Les enfants sont-ils des manipulateurs ?
Une maman m’écrit ceci :
J’ai l’impression que mon fils de 10 ans me manipule.
Il veut que je lui achète des recharges pour ses jeux vidéo … Je commence par dire non et à un moment, je cède et je finis par dire oui.
Je vois à son petit air triomphal qu’il a gagné et cela me met en rage.
Je ne sais pas quoi faire pour tenir bon. Pouvez-vous me donner des pistes.
Tout d’abord, il a lieu de remarquer que nous amalgamonse les comportements de quelqu’un avec l’ensemble de sa personnalité.
On pourrait déjà dire pour alléger la charge par une rectification de ma pensée pour la transformer en “les comportements de mon fils me manipulent”.
C’est important pour cette raison : on ne peut pas changer la personnalité de quelqu’un mais on peut l’accompagner à moduler ses comportements. Avec cette formulation, on pourrait par exemple lui apprendre à faire autrement pour demander et obtenir quelque chose.
Allons plus loin … est-ce que c’est réellement son comportement qui me manipule ? On peut mettre en doute cette affirmation quand on sait que d’autres parents, face à ce même comportement, ne réagirait pas de la même façon.
Il y a par ailleurs fort à parier que son père ne céderait pas aussi facilement.
Pourquoi ?
En réalité, nous les mère, nous sommes plus facilement manipulées par les émotions de notre enfant.
Nous nous demandons souvent, nous les mamans, pourquoi nos enfants nous en font voir de toutes les couleurs alors qu’ils n’agissent pas de la même façon avec leur père.
Les crises et tout ce qui met à mal nos émotions c’est pour nous, n’est-ce pas ?
La réponse à cette question est d’ordre neurobiologique !
Le cerveau des mamans est hyper câblé pour détecter les besoins et les émotions de notre enfant pour y répondre rapidement. Nous sommes dotées de connexions hors du commun dans la zone frontale du cerveau : les neurones-miroirs.
C’est une fonction liée à la survie de notre espèce et elle est donc vitale : il s’agit pour une maman de détecter en une fraction de seconde les besoins de son bébé pour y répondre.
Que se passerait-il si un bébé ne hurlait pas de faim ? Nous risquerions de passer à côté et de ne pas y répondre suffisamment tôt.
C’est le mode de communication par sensations qui connecte dès sa naissance le bébé avec sa maman. Il s’agit d’une communication réciproque : le bébé ressent vos sensations (nommées émotions en langage humain) et vous ressentez les siennes. Vous vous comprenez sans mots et c’est également le mode d’apprentissage de tout bébé jusqu’à ce qu’il soit capable de communiquer en langage verbal.
Un bébé connait les sensations (émotions) de sa maman par cœur.
Ce phénomène s’estompe à mesure que l’enfant grandit mais il reste bien actif puisque notre rôle de mère sera présent toute notre vie. Au plus nous restons connectées à notre enfant, au plus nous aurons tendance à vouloir résoudre ses problèmes à sa place et par là même empêcher son autonomisation.
Nos neurones miroirs restent alors actifs et nous ne pouvons pas nous empêcher d’intervenir.
C’est pour cette raison que les animaux avec qui nous partageons cette même fonction s’éloignent de leurs petits une fois qu’ils sont devenus autonomes sinon ils risquent de ne jamais le devenir et dans la nature, c’est dangereux).
Revenons au cas de cette maman, l’enfant fait une demande, elle la refuse, son enfant ressent une sensation intérieure de mal-être qui est décodée comme étant de la frustration. Il communique cette sensation à sa maman qui ressent à son tour du mal-être, qu’elle va nommer irritation, l’enfant la ressent à son tour et s’enclenche alors une avalanche de nouvelles émotions communiquées par l’un et par l’autre. C’est comme s’ils se parlaient par émotions interposées. Tout ceci sera renforcé par des mots pour obtenir de l’autre qu’il arrête de communiquer son mal-être.
Ce sont nos ressentis internes (émotions) qui guident nos actions de façon totalement inconsciente (cette maman fait quelque chose malgré sa décision de ne pas céder).
Ce qu’ils recherchent tous les deux, c’est de l’apaisement et tant que l’émotion est présente, aucune solution (apaisement) ne peut avoir lieu. Il faut qu’un des deux cèdent et en général, c’est la maman qui est épuisée par ce processus qui se répète à l’infini.
Ne peut-on dire que ce sont nos propres émotions qui nous manipulent et qui nous emmènent là où on ne veut pas aller ?
(Mon raisonnement me fait penser aux théorèmes de ma mère prof de math, CQFD !)
Pour résumé, si la maman cède, cela veut dire qu’elle veut trouver un apaisement rapide pour sortir du conflit (notre système nerveux déteste rester avec ces sensations et il cherche à s’en débarrasser rapidement pour retrouver une zone calme)
L’enfant n’a fait qu’une seule chose : demander
Le reste s’est enclenché à son insu et il l’a communiqué à sa mère.
Ils ont joué au ping-pong des émotions.
Il n’y a pas de coupable dans cette affaire ni de manipulateur.
Il y a juste des systèmes nerveux qui se sont enflammés et qui ne savent pas comment faire.
Lors d’une prochaine interaction de ce genre avec votre enfant, je vous invite à prendre conscience :
- des sensations que cela déclenche en vous
- de rester en connexion avec votre ressenti
- de regarder ce que votre sensation de mal-être vous pousserait à faire
C’est tout pour aujourd’hui mais ce n’est pas fini …
La suite de cet article s’appelle “mes émotions me manipulent”